La question d’une autonomie alimentaire en riz et en blé au Cameroun et en Afrique.

malumiereetmonsalut Par Le 03/04/2024 à 00:00 0

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Dossier

Cliché d'UcheMbanefo7 pris sur Old Abeokuta road à Lagos, Mars 2019. Sous licence CC

La récente pandémie de covid-19 et l’évènement malheureux initié par la Russie contre l’Ukraine qui a suivie par après ont fait resurgir l’épineux problème de la dépendance des pays africains sur les produits de grandes consommations en provenance des grands pays producteurs de céréales notamment. L’augmentation des prix sur une longue période motivée par un climat d’insécurité qui a et qui affecte le monde a eu des lourdes conséquences sur les économies de tous les pays. Les approvisionnements permanent ont été interrompus, les capacités de production ont été réduites, les voies d’acheminement des denrées alimentaires ont été bloquées, des sanctions en guise de contre-offensives et d’autoprotection ne cessent de se multiplier.

La libéralisation des économies tel que préconisée par le « consensus de Washington » en 1989 a fait naitre une dépendance des pays en voie de développement ou sous-développés vis-à-vis de grand producteur qui en plus d’être en mesure d’assurer une autosuffisance sur certains produits et en l’occurrence les céréales, réservent l’excédent de leur production aux exportations qui sont devenues une nécessité pour les pays africains qui malgré leur multiples potentialités éprouvent d’énormes difficultés à les convertir en richesses à cause de multiples causes à la fois internes et externes qui favorisent et accentuent malheureusement la précarité dans un continent pourtant très riche en ressources naturelles.

Les raisons du retard des pays africains dans la croissance des économies locales

L’écart qui existe entre le PIB par habitant des pays développés et ceux en voie de développement est un indicateur qui montre clairement qu’en terme de croissance économique, la disponibilité des ressources naturelles ne suffit pas. Il faut surtout être en mesure de se doter des moyens nécessaire pour améliorer voire même développer son secteur industriel et agricole tout en réduisant autant que possible son impact négatif sur l’environnement grâce à une exploitation croissante des énergies renouvelables. Mais si pour certains pays africains une autosuffisance alimentaire puisse être envisagée en terme de perspectives de développement du fait d’un potentiel économique prometteur, pour d’autres par contre, c’est une question inenvisageable vu les contextes d’instabilités politique et géopolitique non seulement au niveau local mais aussi dans le monde.

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, plusieurs Etats continuent de demeurer dans la pauvreté à cause d’une instabilité politique qui ne profitent qu’a ceux qui fournissent des armes aux belligérants tout en exploitant les ressources du pays profitant ainsi de ces moments de faiblesse pour s’enrichir davantage tandis que les autres ne cessent de s’appauvrir à cause des divergences d’intérêts relevant des ambitions démesurées qui n’augurent rien de bon pour l’avenir.   

Même dans ces Etats où les conflits et les guerres n’empêchent pas totalement des efforts de croissance au niveau local pour diminuer leur dépendance aux importations en provenance des plus grands producteurs de céréales à l’échelle mondiale, on n’a pas toujours les moyens de sa politique et on n’est parfois obligé de faire comme les pays en guerre, des compromis énervants pour certains, mais nécessaire dans la mesure où une potentialité ne se convertie pas automatiquement en richesse. Pour qu’elle le soit, il faut des financements et des soutiens technologiques de pointe. C’est la raison pour laquelle pour avoir davantage d’infrastructures afin d’atteindre ses objectifs de développement, la République Démocratique du Congo a accordé l’exploitation de ses minerais de cobalt à un Etat à même de lui procurer ce dont Elle a besoin au niveau infrastructurelle. Et c’est le cas dans la plupart des pays en voies de développement ; le manque de ressources financières et technologique contraint les Etats à faire du troc ou plutôt des contrats pouvant s’avérer par la suite être parfois des arnaques malgré le fait qu’ils soient tout de même des risques nécessaires à prendre pour ne pas davantage aggraver la précarité dans laquelle les populations vivent.   

Etude de faisabilité d’une autosuffisance en riz et en blé au Cameroun et en Afrique

La mondialisation à travers les relations internationales motivées essentiellement par les intérêts ne cesse de favoriser un climat de dépendance économique qui ne profite qu’aux plus riches.

La libéralisation des échanges à accentuer les exportations des pays riches vers les pays pauvres tout en augmentant les importations des pays pauvres en provenance des pays riches. Tout porte-à croire que les pays moins avancés ou en voie de développement soient des éternels demandeurs. En fait, les chiffres ne disent pas le contraire. Les plus grands producteurs et consommateurs de céréales au monde sont les pays les plus riches.  

Soixante-quinze virgule huit pourcent (75,8%) de la production de riz dans le monde en 2021 était assurée par six pays. La Chine était le premier producteur de riz au monde avec 27% de la production mondial, tout en étant le premier consommateur avec 154.946 millions de tonnes métrique entre 2021 et 2022 (fr.statista.com). En deuxième position c’était l’Inde avec 24,8% de la production mondiale (source : olivierfrey.com), suivie par le Bangladesh (7,2%), l’Indonésie (6,9%), le Vietnam (5,6%) et la Thaïlande (4,3%).

Trois pays détenaient soixante-deux virgule sept (62,7%) pourcent des exportations en 2021. L’Inde c’était 40% des exportations mondiale en 2021 suivi de la Thaïlande et le Vietnam qui représentaient respectivement 11,7% et 11%. En 2021, les surfaces dédiées à la production du riz variaient entre 47.000.000 millions d’hectares et 1.000.000 d’hectares soit 46.379.000 pour le premier à savoir l’Inde, et 944.447 pour le dernier producteur en 2021 à savoir la Sierra Leone.

S’agissant de l’autosuffisance, même le premier producteur et premier consommateur de riz au monde ne s’auto suffit pas. La Chine a importé en 2022, 2,6 millions de riz en provenance de l’Inde qui s’auto suffit en riz et qui a dû interrompre pendant une période indéterminée en 2023 certaines de ses exportations de riz pour essayer de baisser les prix en internes.

En Afrique, sur la base des données publiées par atlasocio.com en 2022, le premier producteur de riz (soit 5 millions de tonnes entre 2022 et 2023 selon l’agence Ecofin) est la première économie à savoir le Nigéria qui est aussi le premier consommateur. L’exportation du riz par le pays a été envisagée en 2022. S’agissant des importations, le Nigeria importe près d’un virgule sept (1,7) millions de tonnes par an. Ces importations sont justifiées par le fait que la production du Nigéria ne satisfait pas la demande locale. De plus, l’objectif d’atteindre une autosuffisance en améliorant une production qui devait passer de 3.400.000 tonnes en 2007 à 12.800.000 en 2017 n’a pas été atteint.

S’agissant du blé, les données publiées par atlasocio (un site qui propose des études socio-statistiques), sur la base des sources de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), les six premiers pays producteurs dans le monde sont : la Chine, l’Inde, la Russie, les Etats-Unis, la France et l’Ukraine avec respectivement 136.946.000 de tonnes, 109.546.000 de tonnes, 76.057.258 de tonnes, 44.790.360 de tonnes, 36.559.450 de tonnes, et 32.183.300 de tonnes. Les six derniers en 2021 sont l’Eswatini, le Cameroun, le Venezuela, le Guatemala, le Qatar et le Koweït avec respectivement 709 tonnes, 633 tonnes, 551 tonnes, 292 tonnes, 252 tonnes, et 37 tonnes.

En Afrique, les six premiers pays africains producteurs sont : l’Egypte, le Maroc,  l’Ethiopie, l’Afrique du Sud, l’Algérie et la Tunisie qui ont produit en 2021 respectivement 9.000.000 de tonnes, 7.543.848 de tonnes, 5.214.000 de tonnes, 2.257.205 de tonnes, 2.168.386 de tonnes, et 1.193.000 de tonnes. Les six derniers sont : le Tchad, le Botswana, la Somalie, le Mali, l’Eswatini et le Cameroun avec respectivement : 1540 tonnes, 1280 tonnes, 1051 tonnes, 1000 tonnes, 709 tonnes, et 633 tonnes.

Les premiers exportateurs de blé dans le monde selon des données publiées par fr.statista.com (Un site qui propose des données quantifiables provenant de milliers de sources officielles) entre 2021 et 2023 C’est la Russie avec 45 millions de tonnes, suivi de l’Union Européenne 35 millions de tonnes, l’Ukraine était sixième avec 14,5 millions de tonnes après l’Australie et les Etats-Unis.

Les pays africains sont très dépendants des importations de blé en provenance des gros pays exportateurs. Un rapport sur la conférence des Nations Unies sur le commerce datant de 2022 précise que plus de la moitié des pays du continent sont dépendants du blé en provenance de la Russie et de l’Ukraine soit vingt-cinq 25 au total.  

Au vue de ces statistiques, une autosuffisance en Afrique et au Cameroun en termes de céréales et notamment en blé et en riz semble irréalisable. Le degré de faisabilité pour les cinquante prochaines années est quasi nul car la satisfaction de la demande local sera toujours dépendante des importations à moins bien sûr qu’un nationalisme de consommation en vue de prioriser les produits locaux et Africains soit lui-même possible ou envisageable dans un contexte économique où les pays en développement sont largement dépendants des pays développés et émergeants en ce qui concerne notamment les produits céréaliers. De plus et pour l’heure, on ne peut pas compter sur le commerce intra-africain pour réduire cette dépendance car aucun pays africain ne s’auto suffit en blé et en riz. Les maigres productions sont compensées par les gigantesques importations.

L’import-substitution : une mesure réactive appréciable bien que très largement insuffisante

La pandémie à covid-19 et la guerre Russo-ukrainienne qui a suivie juste après ont accentuées le signal de la nécessité de financer les productions locales en vue d’aller vers une autonomisation. Même si c’est plus facile à dire qu’à faire, il faut déjà mettre tout en œuvre pour être en mesure de prévenir certaines périodes de disette dans un monde interconnecté où les plus dépendants subissent de pleins fouets les coups et les coûts engendrés par un contexte géopolitique en perpétuel tensions.  

Au Cameroun, pour ne plus demeurer dépendant, les pouvoirs publique ont mis en œuvre une politique d’import substitution qui inclut la favorisation de l’entreprenariat par la disponibilité de certains financement afin de permettre à certains jeunes de continuer à donner une emprunte positive au développement du pays.

Cette mesure préventive et d’adaptation est bonne, bien qu’elle ne permettra pas de régler l’entièreté du problème à moins peut être que l’enveloppe allouer à cette initiative ne soit revue à la hausse de façon constante chaque année et dans un intervalle de temps très court tout en multipliant la construction des industries, l’augmentation des surfaces de productions à des centaines de millions d’hectares car celles actuelles ne suffiront pas pour assurer une autosuffisance alimentaire soit 155.000 hectares (minader 2011) pour le riz, s’agissant du blé les chiffres sont encore plus insignifiants et même si les experts ventent la disponibilité de plusieurs surfaces cultivables disponibles dans les localités de Wakwa, mbang Mboum et Wassande dans la région de l’Adamaoua qui s’élèvent à 12.500 hectares de terres (investiraucameroun.com), la production du blé au Cameroun en est encore à une suite de phase d’expérimentation qui compte s’étendre sur 50.000 hectares avec le temps dans le but de relancer la filière (source institut agricole de recherche pour le développement [Irad]).

Mais bien que la faisabilité d’une autosuffisance en blé et en riz soit mise à mal par plusieurs facteurs défavorables, les nécessités présentes sont l’encouragement de l’entreprenariat qui certes ne permettra pas de faire le retard, mais aura toujours son utilité.  Les Etats africains ont besoin de s’industrialiser davantage pour se développer et espérer une autosuffisance. Si le secteur agricole camerounais était fortement industrialisé, certains producteurs de tomates ne se seraient pas suicidés pendant la période du covid-19 à cause du surendettement. Des tonnes de tomates n’auraient pas pourries dans les champs. La transformation des productions aurait permis d’éviter voire d’amoindrir les pertes. Certains d’entre eux auraient même reçu un soutien financier du gouvernement.

Dans un contexte ou l’entreprenariat est vivement conseiller, des entrepreneurs semblent avoir été abandonné à cause non seulement d’un manque de politique de prévision mais aussi du degré de considération lamentable que les pouvoirs publiques semblent vouloir démontrer envers des producteurs qui font tout de même partie d’un circuit économique. On ne devrait pas uniquement chercher une autosuffisance sur le plan céréaliers mais dans toutes les autres filières qui sont essentielles et nécessitent d’être soutenus. Un producteurs privé ou non doit toujours avoir un soutien des pouvoirs publics.

Les plans internationaux de redressement devraient venir après des plans locaux de redressements. Au cours de la décennie 1980 de nombreuses entreprises publique tombée en faillites ont contraint le Cameroun à des importations massives. Même les plans d’ajustement structurel préconisés par les institutions financières internationales n’ont pas permis de les remettre sur pied. En effet, entre 1984 et 1991 plusieurs entreprises camerounaises n’avaient plus assez de liquidité pour payer leurs dettes. La production de l’industrie avait baissée de 14%  en valeur, et 10% pour l’exploitation tandis que celles des PME avait baissé de 22%.

Le Cameroun semble se relever peu à peu de cette période triste de son économie qui s’est enliser avec la dévaluation du FCFA en 1992 ; La pandémie à covid-19 et la guerre en Ukraine ont fait de la ritournelle question de l’autosuffisance alimentaire une urgence. Un plan de développement de la filière blé entre 2024 et 2028 a été validé en 2023. Il a pour but de réduire les importations de 35% soit 350.000 tonnes de blé à l’horizon 2035 grâce à un financement conjoint du Cameroun et ses partenaires internationaux à hauteur de 417 milliards de FCFA.

Une unité de transformation de la tomate à Maroua est toujours en attente. En ce qui concerne le secteur rizicole, selon l’institut national des statistiques, le Cameroun aurait importé de Janvier à Octobre 2022, 65.565 tonnes de riz pour 162.5 milliard de F CFA. Une acquisition qui représenterait 4,6 % des importations globales du Cameroun à la même période. Le Cameroun compte rattraper ce retard en misant sur une production locale pour produire 750.000 tonnes d’ici 2030 (source datacameroun.com).

Si des projets ambitieux sont envisagés tout en encourageant l’entreprenariat privé des petits tout comme des gros producteurs, la réalité des données internationales s’agissant des productions de céréales à l’échelle mondiale nous enseigne que tous ces grands producteurs sont des pays fortement industrialisés. De plus, il y a le problème de la corruption qui doit avant tout être éradiquer car de plusieurs manières, les africains et les camerounais en particulier sont les principaux responsables de leurs retards économiques. En 2022, une très grande entreprise spécialisée dans le commerce et les échanges à grande échelles dans les domaines des hydrocarbures et de l’extraction minière a avoué avoir corrompu des responsables camerounais pendant des années pour jouir de plusieurs privilèges dans le pays. La république a besoin de moyen pour optimiser davantage son développement économique à l’échelle locale, mais des membres de cette même république préfèrent s’enrichir illicitement sur le dos de la chose publique. La croissance économique du pays ne peut pas se faire sans des mesures d’accompagnement croissantes visant à prévenir tout acte de corruption et de détournements dans tous les domaines d’activité.

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