Analyse/Selon le linguiste et spécialiste des langues africaines Henry Tourneux (1900-2021), « Dans une région fortement multilingue, les nécessités de la vie en commun font émerger une langue vernaculaire particulière qui se trouvera profondément transformée pour permettre l’intercommunication. » Si en effet nous nous caractérisons tous par une langue maternelle, en fonction du contexte dans lequel on se trouve qui peut également être lié à des faits socio-historiques, nous pouvons être amenés à avoir une langue véhiculaire ou transethnique qui est en fait une langue vernaculaire que nous avons en commun. Si des spécialistes établissent clairement une différence entre langue véhiculaire et langue vernaculaire, dans un contexte multilingue qui a ses réalités sociales très souvent à la base des conflits ethniques, la langue véhiculaire, est une langue vernaculaire au même titre que les autres langues maternelles des villages environnants. Il s’agit donc d’un facteur fédérateur qu’il ne faut surtout pas négliger quand on se met à la quête d’une unité de meilleure qualité.
L’histoire nous rapporte que L’avènement du Jihad (guerre sainte) dans la Grande partie Nord du Territoire camerounais au début du 19ème siècle a constitué le point de départ dans la région non seulement de la religion musulmane mais aussi de la langue des conquérants peuls. En effet, Les peulhs appelés aussi fulanis, fulbés, pular, ou encore fellata selon les pays, sont un peuple traditionnellement Pasteur établi dans toute l’Afrique de l’Ouest et au-delà de la bande sahélo-saharienne soit au total une quinzaine de pays différent dont le Cameroun.
La conquête des territoires a toujours été un moyen d’expansion des cultures venant d’ailleurs et qui au fil des années et en fonction des contextes ne peuvent plus être perçues de la même manière car si avant on pouvait parlé de pouvoir dominant et de territoires dominés à quelques exceptions près, aujourd’hui dans une dynamique de fédération ou d’unité, on met plus en avant ce qui peut permettre à ce qu’on se comprenne mieux et qu’on vive dans la paix malgré nos différences qui elles-mêmes sont la conséquence d’un ensemble de faits socio-historiques qui se sont traduits par des mouvements migratoires qui témoignent du fait qu’à proprement parler, personne n’est vraiment autochtone. Nous sommes tous ou presque la conséquence d’une histoire qui a commencé ailleurs pour se terminer où nous sommes dans un ensemble d’espaces et ethnies bien délimitées et répertoriées qui font partie d’un patrimoine commun à valoriser davantage.
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Même si le département du Logone et Chari est connu comme un espace où on parle plus arabe Choa, il n’y a pas d’espaces dans le Grand-Nord Cameroun où on ne parle et comprend le fulfulde qui n’est plus seulement une langue véhiculaire, mais comme toutes les autres langues parlées au Cameroun, elle est une langue vernaculaire fédératrice. La langue comme conséquence d’une conquête historique du passé qui a réussie à s’imposer dans plusieurs Terroirs, n’est plus seulement une langue véhiculaire ou interethnique, mais une langue vernaculaire qui rassemble un ensemble de communautés qui ont certes leur spécificités mais qui sont appelées à vivre ensemble malgré tout afin de contribuer davantage à l’unité nationale d’un Territoire où chaque langue vernaculaire a vocation à être ou devenir non pas uniquement celle d’une communauté en particulier, mais celle d’une plus grande appelée Nation. En effet, si l’Homme est à la base un être social, c’est parce qu’il vient toujours d’une famille qui appartient à une communauté ou un village qui avant d’avoir une ou plusieurs spécificités, est d’abord un membre à part entière du Territoire national de même que les traits caractéristique de sa culture dont la langue, font parties du patrimoine nationale d’un Territoire parce que chaque singularité ou communautés locales a pour vocation de ne faire qu’un avec les autres pour la bonne marche de l’unité d’un pays qui a besoin de la participation de chacun de ses membres pour faire la promotion d’un multiculturalisme inclusif où l’autre est également un membre de la même famille que nous même s’il vient d’ailleurs.
Si parler français et anglais c’est mettre en avant ce que nous avons en commun, mettre en avant une langue vernaculaire que nous comprenons tous malgré le fait que nous ayons tous des langues maternelles c’est reconnaitre que nous sommes Un malgré nos différences qui sont en fait des richesses communes enrichies davantage par ce que nous avons en commun et que nous nous devons davantage de valoriser notamment grâce à un respect mutuel qui permet une coexistence pacifique et un rejet des propos stigmatisant envers ceux qui ne parlent pas la même langue que nous ou qui viennent d’ailleurs. D’où la nécessité de l’enseignement des langues vernaculaires en milieu plurilingue pour permettre à tout le monde d’avoir au moins une langue vernaculaire seconde en dehors des langues officielles et autres langues secondes étrangères enseignées dans nos écoles et universités. L’Homme c’est le milieu. En fonction du milieu dans lequel il vit, il s’adapte. Il apprend les habitudes, les coutumes et mêmes des langues du milieu dans lequel il vit; il ne s’agit pas premièrement de savoir parler sa langue d’origine ou celle du contexte dans lequel on se trouve mais d’être plutôt conscient du fait d’être dans un cadre inclusif où aucune barrière n’est érigée pour empêcher ceux qui ont la volonté de mieux connaitre le contexte dans lequel ils se trouvent pour participer à leur manière à la mise en œuvre ou la préservation d’une unité que l’on peut manifester de plusieurs manière et en faisant particulièrement l’effort d’apprendre au moins une langue vernaculaire fédératrice.
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