Vous ne pouvez pas vous rendre en prison sans avoir quelque chose à donner à celui ou celle que vous voulez rencontrer. Juste la réalité face à laquelle vous serez confronté peut vous couper le souffle. Et malgré tout cela, les effectifs ne font que croitre ; ceux qui sont en détentions préventives y retrouvent d’autres qui sont en détentions préventives depuis plusieurs années, et d’autres condamnés définitivement. Si on peut comprendre les lourdeurs administratives et la longueur des procédures, on est bien en droit de nous demander à quel prix ? Quand des personnes en détentions préventives vivent dans des conditions lamentables on se demande bien si c’est cela la justice. La mise en œuvre de la justice n’a t-elle pas donné lieu au développement de plusieurs formes d’injustices qui correspondent aux réalités de notre contexte ?
Tout porte à croire vu l’état de la situation que même si des nouveaux espaces sont aménagés, les conditions de vie ne changeront pas car même la construction de nouveaux établissements ou même l’agrandissement de ceux qui existent déjà ne sera qu’une solution de courte durée. Le gouvernement peut-il faire mieux que ce qu’il est incapable de faire à l’extérieur? Pas du tout! Les conditions de vie sont difficiles partout et encore plus en prison. Si certains ont la sensation de vivre un enfer en prison, d’autres ont la même sensation à l’extérieur à la seule différence que si celui qui est incarcéré envie celui qui est en liberté, celui qui est en liberté n’envie pas du tout celui qui est incarcéré.
Le gouvernement fait de son mieux pour satisfaire les populations mais le mieux ne suffit pas. Chacun est obligé de chercher le moyen de s’en sortir malgré tout parce qu’il faut survivre tout comme ceux qui sont incarcérés qui en plus de faire face à d’autres réalités, font tout de leur possibles pour ne pas mourir au sein d’établissements pénitentiaires où une grande majorité des détenus vivent dans la précarité contrairement à une minorité qui du fait de ses moyens financiers notamment, peut se permettre des conditions de vie enviables exactement comme ce qui se passe à l’extérieur. Mais ceci n’est qu’une parenthèse. Il ne s’agit pas de se focaliser particulièrement sur la réalité des classes sociales ou tout simplement sur le fait qu’il y en a qui sont très riches tandis qu’il y en a qui sont plus pauvre. Il s’agit de se demander ce qui est mis en œuvre pour améliorer les conditions de vie des prisonniers avec cette croissance en effectif qui évolue d’année en année dans un contexte où en 2020, selon la fédération internationale des actions chrétiennes pour l’abolition de la torture (FIACAT), plus de 70% des personnes privées de liberté au Cameroun étaient en détentions provisoires. Et la situation n’est pas prête de s’améliorer puisque comme l’indique une étude publiée par l’European journal of Education Studies en 2023, plusieurs études démographiques menées en 2013, 2014 et 2020 sur la population carcérale au Cameroun ont montrées que : 70 à 80% des détenus sont récidivistes. À cela il faut ajouter le fait que les effectifs de l’administration pénitentiaires ne sont pas proportionnels à la population carcérale. Ce fait non négligeable implique plus d’effort et de vigilance en plus d’être un facteur d’accroissement des injustices dans ces milieu gangrenés également par des pratiques de corruption et une tendance à monnayer n’importe quel service non seulement pour se faire de l’argent mais instaurer également davantage un climat de peur dans le milieu.
S’il est déjà très difficile de vivre décemment en liberté, la situation de ceux qui sont en privation de liberté n’étonne personne. Il vaut mieux tout faire pour ne pas y être. Les conditions de vie lamentables dans lesquelles les populations y vivent montrent déjà à suffisance que ce sont des endroits où il vaut mieux ne pas se trouver. Si une enquête de l’institut national des statistiques datant d’Avril 2024 a fait état du fait que : "près de 2 camerounais sur 4 vivent en dessous du seuil national de pauvreté fixé à 813. FCFA par jour et par personne, soit 10 millions de camerounais sur un effectif estimé à plus de 27 millions", il ne faut pas s’étonner du fait que ce seuil de pauvreté quantifié en F CFA soit encore deux à trois fois plus bas au niveau des milieux carcéraux. En 2017, La commission nationale des droits de l’homme tout en félicitant les efforts entreprit pour augmenter le chiffre de la ration alimentaire des détenus faisait savoir tout de même que la nouvelle somme à savoir : 270 FCFA/jour restait insuffisante. À noter qu’à l’échelle nationale et fixé à 813 F CFA en 2024, ce seuil de pauvreté monétaire calculé sur la base des dépenses de consommation finales des ménages était de 913 FCFA/jour pour un adulte en 2016.
La surpopulation carcérale au Cameroun et ses conséquences
L’une des raisons qui justifie les migrations tant légales qu’illégaux du Cameroun vers l’extérieur est les difficiles conditions de vie. Certains sont à la recherche d’un meilleur qu’ils n’arrivent pas à avoir chez eux. Contrairement aux pays développés et émergents où la forte population est vraiment un moteur de croissance, dans les pays pauvres par contre, au lieu d’être vraiment une force économique, la surpopulation est toujours un facteur de précarité, d’insalubrité ou de conditions de vie inhumaines surtout quand on s’imagine que la meilleure manière de régler les problèmes est de remplir les prisons de monde. Tandis qu’on fait preuve d’une certaine justice en privant de liberté ceux qui ont fait le choix de violer le contrat social, on crée et on favorise d’autres problèmes sociaux dans les établissements pénitentiaires.
Certains diront la critique c’est bien mais il faut des solutions concrète également. Mais il ne s’agit pas d’une critique mais juste d’un état des lieux d’une situation qui dans le passé a nécessité la construction d’établissements pénitentiaires qui ne prévoyaient pas accueillir autant de monde aujourd’hui. L’État camerounais a lui-même contribué à créer la situation dans laquelle il se retrouve aujourd’hui. Ce n’est pas la faute des détenus mais surtout des lenteurs de procédures. Si la loi a besoin du temps pour donner son verdict cela ne justifie pas le fait de créer la promiscuité dans des enceintes sensées être des maisons de resocialisation que certaines personnes ont instrumentalisés pour régler des problèmes personnels qui se manifestent par des détentions arbitraires et autres nombre de renvoi hors normes. S’il faut prendre en compte les détentions provisoire comme mesure conservatoire pour éviter que les prévenus prennent la fuite, quelles sont les mesures qui sont mises en œuvre pour que ces personnes vivent décemment en prison? Même si l’être humain face au préjudice qui lui a été causé ne voit aucun mal au fait que des criminels périssent en prison, il y a quand même la dignité de l’Homme qui est en jeu, et il faut voir les choses de manière objective.
Le ministère public doit faire plus d’efforts pour améliorer les conditions de vie des prisonniers. La surpopulation carcérale favorise la prolifération des activités malveillantes au sein d’établissements sensés aider les individus à se réinsérer socialement mais qui en plus d’être des endroits où se développent des activités illégales, favorisent également la prolifération des maladies. De plus, Cette surpopulation créée par l’État camerounais lui-même ne favorise pas le désengorgement efficace des prisons. En effet, à la suite du décret restrictif N° 2020/ 193 du 15 avril 2020 portant commutation et remise de peines, des prisonniers ont bénéficiés d’une remise en liberté du faite de la pandémie. Une décision qui certes ne pouvaient pas satisfaire tout le monde, mais qu’une grande majorité de la population carcérale n’a pas pu bénéficier parce que ne remplissant pas les critères en particulier celui d’avoir déjà une sentence définitive dans un contexte où plus de la moitié des détenus sont en détention provisoire. Tout porte à croire qu’on n’est pas prêt à sortir de l’auberge.
L’état lamentable dans lequel les détenus vivent est la conséquence d’une lenteur de procédure qu’il est aujourd’hui difficile de régler. Comme ceux qui vivent à l’extérieur dans des conditions précaire à défaut d’avoir mieux, les détenus vivent dans une précarité encore plus accrue parce que l’État n’est pas en mesure de leur donner mieux. Dans un contexte où le nombre de prévenus est toujours largement au-dessus du nombre de condamnés et ce depuis de nombreuses années, on ne peut pas espérer mieux. Dans de telles conditions, la fin de la surpopulation carcérales, les mauvaises conditions hygiéniques ne sont pas prêtes de s’arrêter. Un ex-détenu faisait savoir en 2022 qu’ils étaient une cinquantaine dans une cellule de 9m carrés et sans eau potables. Ces conditions de vie à déplorer sont la conséquence de la lenteur des procédures qui est un problème crucial ne permettant pas vraiment d’être en conformité avec les exigences du droit internationale à savoir : veiller à ce que tous les détenus soient retenus dans des conditions humaines et dignes, et de garantir leur droits à la santé. Si des efforts sont entrepris dans ce sens, avec de tels effectifs, leur efficacité est à remettre en doute car quand un établissement censé accueillir 800 détenus compte en son sein plus de 4000, il y a de quoi être très inquiet. Si ceux qui ont plus ou moins des moyens financiers peuvent réalisés un changement de leur situation dans ces conditions de vie difficiles, ce n’est pas quelque chose que tout le monde peut se permettre car même les avocats commis d’offices ne sont pas toujours payer à temps. Un autre problème qui allonge abusivement des séjours au sein d’établissements où les injustices rendent la tâche encore plus difficiles aux initiatives privées particulièrement nécessaire pour secourir des jeunes notamment qui comme tous les autres détenus paient le prix d’un système carcéral lamentable qui favorise des conditions de vies déplorables à déplorer et à condamner.
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