Les vagues d’indépendances qui se sont succédé en Afrique notamment aux cours des années 1960 étaient la résultante d’une volonté d’auto-détermination affranchie de toutes formes d’influences et ingérences étrangères. Il n’y a en effet rien de meilleure que des indigènes qui gèrent eux-mêmes leur Territoire. Même si la qualité de la gestion puisse être remise en question ou susciter des points de vus contradictoire qui mettent en lumière des manquements ou les signes patent d’un échec, le fait que ce soit des natifs qui soient aux postes de responsabilité est une preuve de souveraineté et de maturité.
Mais le fait d’être parvenu à une autonomie complète ne suffit pas ; il faut encore œuvrer pour le développement du Territoire à travers une gestion juste et équitable des richesses qui tient compte de toutes les composantes d’un ensemble qui veulent jouir des mêmes droits et des mêmes avantages car accorder des faveurs à un peuple et ne pas faire le même geste pour d’autres, c’est courir le risque de créer des dissensions entre plusieurs coépouses qui ont peut-être déjà des rapports conflictuels. En effet, chaque revendication est toujours la conséquence d’une volonté de démarcation qui implique le respect des quotas. Le principe est clair. En fonction du contexte ou du pays en question, si c’est le pays qui gagne, chaque terroir doit le ressentir de manière concrète au niveau local et agir localement pour contribuer davantage au développement du Territoire. Aller à l’encontre de ce principe serait interpréter comme une preuve d’injustice, de favoritisme ou de tribalisme.
Les ouvriers de la première heure de la lutte pour l’indépendance du Cameroun étaient déjà conscient du fait que « depuis toujours et partout, les groupes humains on une singulière tendance à se différencier les uns des autres »1 et que pour une meilleure joie de vivre ensemble dans le futur ou une coexistence pacifique, il était nécessaire de commencer à cultiver un esprit nationaliste pour ne pas voir émergé voire s’imposer des replis identitaire en total inadéquation avec l’idée d’une Nation où tout le monde œuvre pour le bien commun malgré le différences.
La simple énumération des différents acteurs de l’avant et de l’après indépendance y compris l’épisode déterminante de la réunification montre clairement qu’un pays a pluralité ethnique ne peut pas parvenir à quelque chose de meilleur sans une participation active non seulement des ressortissants de toutes les aires culturelles mais également un respect mutuel qui implique le fait de reconnaitre l’autre comme un membre à part entière de nous-même et avec lequel on est appelé à œuvrer pour le bien de la Nation grâce au transculturalisme c’est-à-dire, un dépassement et une acceptation des réalités inhérente à chaque contextes culturelles. En d’autres termes, mettre la tribu au service d’un intérêt national et non pas un intérêt commun ou particulier qui se limite au niveau du Terroir tout en développant de l’animosité ou du mépris pour les autres peuples qui comme nous font partie du même Territoire.
En circonscrivant notre énumération entre 1948 et 1962 et en allant de Ruben Um Nyobe à Ahmadou Ahidjo en passant parmi tant d’autres comme André Marie Mbida, Paul Soppo Priso, Ernest Ouandié et Jhon Ngu Foncha, nous remarquerons que tous ces camerounais ressortissants de plusieurs parties du même Territoire ont tous œuvré à leur manière pour le bien d’un intérêts commun toujours d’actualité dans un Etat soucieux de préserver son unité malgré tout.
Au cours des trente premières années qui ont suivies l’indépendance du Cameroun français en 1960, plusieurs actes ont été posés pour consolider et parfaire l’unité. Du multipartisme de 1960 à 1965, au partie unique à partir de 1966 jusqu’au retour du pluripartisme en 1991, tout ou presque a été mis en œuvre pour le bien du peuple camerounais dans des contextes bien particuliers qui exigeaient des mesures immédiates bien qu’écœurantes en vue de répondre vraiment aux problèmes. En effet, « en 1958, la conscience tribale est l’élément essentiel de la société camerounaise. Elle peut se résumer à une opposition entre trois complexes ethniques : celui du Nord (foulbé, féodal, musulman), celui du Sud (Bantou, clanique, chrétien) et celui de l’Ouest (semi-bantou, divisées en chefferies, essentiellement chrétienne). »2 L’instauration d’un partie unique (Union Nationale Camerounaise) par la force et dans un contexte particulier correspondait à un projet de construction nationale ou mieux d’intégration nationale.
L’opposition n’était d’aucune utilité pour préserver la paix et l’unité nationale pour le feu président Ahidjo du moins à ce moment précis. Mais le fait que ce choix appartienne à une époque révolue ne signifie pas forcément que ce model ne puisse plus être adaptable aux contextes actuels. En fonction de la personne choisie par le peuple, du contexte et du but recherché par ce dirigeant, tout système politique est adaptable et perfectible. En effet, tout comme d’autres Etats et en particulier une grande puissance économique a fait le choix de perfectionner un partie unique au cours du temps pour donner à ce jour un système de coopération multipartite et de consultation politique très efficace, le Cameroun a opté pour la démocratie en laissant à chacun le libre choix de créer son propre-parti politique.
Au début des années 1990, le multipartisme revient de même que la liberté d’association qui n’existait plus depuis 1966; plusieurs ex-membres du parti unique sont allés créer leurs propres formations politiques dans leurs régions d’origine. Mais malgré cela les injustices ont persistées et engendrés des soulèvements et revendications justifiées que même « les commandements opérationnels »3 créés en vue de pacifier le pays n’ont pu résoudre. C’est plutôt la tenue d’une « conférence tripartite »4 avant les échéances électorales de Mars et Octobre 1992 qui a amenée l’accalmie car ayant aboutie tout au moins à la satisfaction des principaux parties conviés à cette plateforme de concertations. L’opposition accepta de lever le mot d'ordre de grève de ville morte et de désobéissance civile, le gouvernement accepta de démilitariser les zones sous contrôle de l'opposition et parmi tant d'autres résolutions de fixer un moratoire pour les commerçants victimes de villes mortes.