Cameroun : La priorité du désarmement, de la démobilisation, et de la réinsertion sociale

malumiereetmonsalut Par Le 30/05/2025 à 08:45 0

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Dossier 

Même s’il y a un léger mieux dans les chefs-lieux des régions, ce n’est pas le cas dans toutes les zones reculées où les minorités ayant fait le choix de rester, demeurent dans une paix précaire, surtout quand on sait que même dans les chefs-lieux des régions, il y a des personnes qui continuent de respecter scrupuleusement les jours de villes mortes. Image: cc Dr Agach/commons.Wikimedia.org

Les signes palpables de ce qui a toujours été considéré par certains comme un problème anglophone bien avant les mouvements de grève de 2016 qui ont particulièrement retenus l’attention de toute la nation camerounaise, ont toujours été prévisibles. À ceux qui avaient le courage de dire qu’il y a un problème, d’autres répondaient en disant non, pour éviter « une agitation du peuple », tout en sachant que c’est une réalité. En effet, tant que les revendications réelles demeuraient à l’ombre d’une résilience acharnée et très handicapante, rien ne pouvait être entrepris pour solutionner des problèmes qui ne l’étaient pas pour ceux qui faisaient mine de ne pas savoir, et de ne pas voir, les difficultés endurées par les principales personnes concernées. Il a fallu que des conseillers en matière juridique donnent le ton de la revendication par un mouvement de grève, pour que les extrémistes jusqu’ici pas très connus du grand public malgré des actes qui traduisaient déjà des velléités sécessionnistes, commencent à manifester leur mécontentement, d'une des manières les plus ignobles qui soit.  

La manifestation pacifique d’un mécontentement en vue de dénoncer des insatisfactions connues de tous, n’était que l’arbre qui cache la forêt. Les mouvements violents ont pris le relais des revendications,  pour ramener les causes du problème entre le 1er Octobre 1961, et le 20 Mai 1972. Le surgissement brusque des mouvements violents à la suite des revendications pacifiques donnaient à penser que les auteurs, n’attendaient qu’une étincelle pour semer un chaos, dont les conséquences désastreuses, notamment au cours des trois premières années qui ont suivies ce que le gouvernement a préféré appelé « crise socio-politique », ont été très éprouvantes pour le peuple camerounais parce qu’elles s’étaient ajoutées à d’autres tout aussi écœurantes dans la région de l’Extrême-Nord. 

Les mouvements violents ont pris le relais des revendications, pour ramener les causes du problème entre le 1er Octobre 1961, et le 20 Mai 1972. Image : aljazeera.com

Le pays se retrouve en 2016 entre une guerre contre un mouvement terroriste anti européen et américain, et ce que les plus hautes autorités de l’État ont préféré appeler « crise socio-politique » pour éviter le terme « guerre » qui apparemment était de très mauvais goût car il faut dire que même si une bonne partie de ceux qui ont pris les armes ne se considéraient plus comme des camerounais, pour l’État camerounais par contre, ce sont des camerounais contre qui il ne faut pas entrer en guerre. De plus, que ce soit dans l’Extrême-Nord du pays ou en zone majoritairement d’expression anglaise, les mouvements violents attirent, non pas uniquement ceux qui sont prêt à tout pour atteindre leurs but, mais également ceux qui se sentent désœuvrés, et estiment ne rien avoir d’autres à faire, à part se lancer dans une expédition périlleuse et très sérieuse, qui a nécessité la mise en place d’un programme national de désarmement et de réinsertion. En effet, même si on se retrouve dans une situation de force légitime qui nécessite de défendre les intérêts de la république, il faut également trouver les moyens de sortie de crise, parce qu’en face ce sont tout de même des camerounais, dont le choix légitime de prendre les armes n’est pas anodin. Ils ont des revendications qui gravitent autour d’une réclamation principale qui est plus d’ordre politique, et qui nécessite également des concertations sérieuses, qui cependant ne justifient pas des tueries ou mieux encore, des actes terroristes tout comme dans l’Extrême-Nord du pays.

Que ce soit dans l’Extrême-Nord du pays ou en zone majoritairement d’expression anglaise, les mouvements violents attirent, non pas uniquement ceux qui sont prêt à tout pour atteindre leurs but, mais également ceux qui se sentent désœuvrés, et estiment ne rien avoir d’autres à faire, à part se lancer dans une expédition périlleuse. Image : cc barada-nikto/commons.wikimedia.org

En Novembre 2018 est créé, le comité national de désarmement, de démobilisation et de réintégration des ex-combattants du mouvement terroriste anti européen et américain, et ceux des mouvements séparatistes et sécessionnistes, à la base de « la crise socio-politique » du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Le sérieux de la situation a nécessité comme aujourd’hui, des mesures d’apaisement urgentes. En effet, le choix de rejoindre une organisation terroriste et une autre sécessionniste ou séparatiste pour d’autres, ne signifie pas toujours qu’on veut voir le pays sombrer ou demeurer dans le chaos. Les camerounais et les anglophones notamment ont des problèmes sérieux qui nécessitent des solutions adéquates et immédiates. Mais pour y arriver, il faut déjà non pas les désarmer, mais leur proposer de laisser les armes. Une condition nécessaire pour repartir à zéro, et contribuer au retour d’une paix menacée, dont la restauration nécessite des efforts de longue haleine qui passent par le désarmement et la démobilisation, qui ne sont que des conséquences d’un choix libre de laisser les armes, et sortir des bandes armées.

L’appel à jeter les armes a été lancé, et ceux qui ont jugé judicieux d’y répondre ou qui y ambitionne, contribueront également au retour d’une paix qui a également besoin des réponses de ce genre pour se manifester davantage, dans un ensemble d’espaces géographique non pacifiés, et où les villes mortes perdurent, malgré les déclarations ayant pour but de minimiser l’état réel d’une situation pour attaquer les tons alarmistes qui ne font que traduire pour certains, la réalité des faits qui apparemment ne plaisent pas à d’autres. Or, les camerounais ont le droit de savoir ce qui se passe chez eux, de même que l’évolution réelle et constante de la situation.

La réintégration n’est pas uniquement nécessaire au niveau des ex-combattants. Même ceux qui n’ont pas pris les armes et qui ont fait le choix de préserver leur vies ailleurs, sont dans l’obligation de se réintégrer socialement. Image: cc Yvonne Youmbi/commonswikimedia.org

Pour les ex-combattants, le gouvernement a mis en avant comme moyen de réinsertion, la valorisation des « petits métiers » dans les domaines de l’agriculture, l’informatique, et la menuiserie entre autres. Des initiatives en droite ligne avec la nécessité d’une réforme des programmes éducatifs, axés beaucoup plus sur la théorie que la pratique. En effet, quand on fait le choix de l’option apprentissage des petits métiers, c’est parce qu’il y a le souci de permettre l’obtention d’un ensemble de qualifications. Même si ce n’est pas l’acquisition de ces qualifications qui garantira une vie épanouie, c’est tout de même un mieux que rien, qui s’inscrit dans un processus d’amélioration constant.

En Février 2021, Les Pensionnaires des centres de désarmement, de démobilisation et de réinsertion de Buea avaient notamment réclamé des allocations pour subvenir à leurs besoins quotidiens, de même que des meilleures conditions de vie entre autres. Ce sont des revendications qui traduisent un mal être social qu’une bonne majorité des jeunes camerounais revendiquent, dans un pays où selon la cinquième enquête camerounaise auprès des ménages et publiée en 2022, par l’institut nationale des statistiques, environs 4 personnes sur 10 sont pauvres. À noter que la banque mondiale évalue la pauvreté dans le monde sur deux seuils reconnus sur le plan international à savoir, ceux qui vivent avec moins d’un (1) et deux (2) dollars par jour. Sur une population estimée à cette période-là à près de vingt-sept millions, 10, 1 millions vivaient avec moins de deux dollar par jour. Soit 813 F CFA/ jour ou 24. 724 F CFA/mois. À noter que selon cette cinquième enquête, l’indicateur de bien-être en 2022 se situait en moyenne à 1363 F CFA par personne et par jour, et le seuil de pauvreté tel qu’il est défini dans cette cinquième enquête « est l’indicateur de bien-être au-dessous duquel il est impossible de s’offrir le panier minimum de consommation » ; c’est-à-dire obtenir une alimentation adaptée du point de vue nutritionnel et satisfaire les besoins de base non alimentaires ; soit 24. 724 F CFA/mois, et 813 F CFA/ jour. C’est dire que les conditions de vie sont difficiles, et que plus le conflit perdure, plus il sera encore plus difficile de remédier à cette situation qui nécessitera davantage que les camerounais jettent les armes, afin que les revendications d’une minorité qui traduisent celle d’une majorité, soient résolues dans la paix et la concorde.

Il faut donc prendre le mal à la racine. Les accumulations de frustrations, les sentiments de marginalisation, motivés par la précarité ambiante entre autres, ont amené plusieurs camerounais à prendre les armes contre leur pays, qui ne peut pas se faire la guerre à lui-même. Déclarer la guerre à une organisation terroriste, ce n’est pas déclarer la guerre aux jeunes camerounais qui ont fait le choix de rejoindre le camp adverse pour des raisons économiques, sociales, et politiques. Combattre les mouvements sécessionnistes, c’est être en état de force légitime, tout en mettant en place des mesures visant à amener certains jeunes camerounais à reconsidérer leur choix de rejoindre les camps ennemis, en jetant les armes pour repartir à zéro, malgré le fait que leur choix est compréhensible. C’est en effet en agissant de la sorte qu’on donne à la jeunesse des raisons d’espérer dans un environnement où les conditions ne sont certes pas faciles, mais où des efforts sont tout de même entrepris, pour remédier à la situation peut-être pas totalement, mais de manière continue, en se fixant des priorités à court, moyen et long terme.

Le jeune camerounais qui prend les armes contre son pays est un exemple de jeunes désorientés. Des jeunes dont le sentiment de désespoir est instrumentalisé par des organisations terroristes, et autres mouvements sécessionnistes, pour semer le chaos. Les camerounais ne doivent plus s’entretués parce qu’il y a des individus qui ont décidés d’atteindre leur objectifs sulfureux à tout prix, et à tous les prix ; c’est-à-dire, jusqu’à la mort, et en ôtant le plus de vies possible du coter d’une république à laquelle ils estiment ne pas appartenir.   

La priorité du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion est une solution salutaire dans un ensemble de contextes où les droits fondamentaux des enfants sont bafoués, et où plusieurs jeunes sont contraints de prendre les armes parce qu’ils n’ont plus d’autres perspectives d’avenir ; d’où la tenue de l’atelier organisé du 8 au 10 Novembre 2023, afin de trouver de commun accord avec l’organisation mondiale de l’immigration (OIM) et l’organisation des nations unies pour l’enfance (UNICEF), des solutions concrètes de sortie de crise à long termes, particulièrement pour ces jeunes qui ont fait le choix de rejoindre les rangs des terroristes dans l’Extrême-Nord du pays. Une offre de paix qui tient toujours, 6 années et 6 mois après la création du comité national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (CNDDR) en Novembre 2018.

Malgré le fait que la paix demeure précaire, l’État camerounais a toujours le souci d’amener plusieurs jeunes à jeter les armes pour repartir à zéro. Image: thenewhumanitarian.org

Malgré le fait que la paix demeure précaire, l’État camerounais a toujours le souci d’amener plusieurs jeunes à jeter les armes pour répartir à zéro. Un nouveau départ qui n’est pas seulement le leur, mais aussi celui de plusieurs camerounais. En effet, la pluralité des thèmes abordés l’ors du très contesté et nécessaire dialogue national (30 Septembre – 4 Octobre 2019), a permis d’avoir une idée approximative de la quantité des problèmes des camerounais. Parmi les huit grands thèmes relatifs à la réalité des problèmes des camerounais depuis plusieurs décennies, et les nombreuses recommandations, figure le thème du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion des ex-combattants. Il ne s’agit pas de montrer des trophées, mais agir pour le retour de la paix dans un pays qui a besoin de tous les camerounais car il faut le dire, si le nombre des personnes enrôlées pour certains de force dans l’Extrême-Nord, et pour des raisons personnelles comme dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du pays a eu à diminuer, c’est d’une part, grâce notamment à la vulgarisation de cet appel à la paix relayer dans toutes les régions du Cameroun, et plus particulièrement dans les trois régions, par des camerounais qui ont fait le choix de mettre leur vie en danger, pour une cause nationale. Les résultats obtenus jusque-là, montrent tout de même que le processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion est tout de même efficace, même si on attendait mieux, à savoir que les trois régions soient totalement pacifiées. Même s’il y a un léger mieux dans les chefs-lieux des régions, ce n’est pas le cas dans toutes les zones reculées où les minorités ayant fait le choix de rester, demeurent dans une paix précaire, qui n’encourage pas un retour, surtout quand on sait que même dans les chefs-lieux des régions, certaines personnes continuent de respecter scrupuleusement les jours de villes mortes.

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