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Le peuple Bamoun et la symbolique du serpent à deux tête

malumiereetmonsalut Par Le 30/04/2025 à 08:36 0

Dans Culture

Analyse/Dans son article intitulé l’humour dans l’art contemporain publié dans la revue le journal des spychologues, la psychanaliste et spyschologue Erica Francese nous fait savoir que l’humour fonctionne comme une défense contre la honte, la dépression, le mécontentement, le dégoût et le désespoir. C’est dire comme elle le souligne plus bas, « humour et art sont intimement liés dans la théorie psychanalytique (…) Ce n’est que lorsque l’art se donne une tache critique des valeurs, de la religion, du pouvoir établi, des institutions y compris celle de l’art lui-même, que les conditions propices à l’utilisation de l’humour apparaissent. L’humour peut dire quelque chose de la réalité dans laquelle nous vivons et reprendre ainsi une position morale tout en restant ludique.»

À la suite de la sortie en 2001 du premier album du griot et artiste camerounais à succès Saint Bruno, tout le monde ou presque a été captivé par tous les titres, et notamment l’extrait intitulé « défaut » qui décrit avec humour les réalités d’un ensemble de terroirs ayant chacun des particularités que les relations interhumaines permettent de côtoyer au quotidien, tout en permettant également au plus grand nombre d’avoir connaissance d’un ensemble de réalités que tout le monde ne connait pas, mais que l’artiste à prit le soin de condenser à travers un ensemble de cas particulier qui expliquent clairement pourquoi selon lui « chaque village a un défaut. » Et à mainte reprise, il demande à ceux qui écoutent de faire attention ! Certains pourraient être amenés à penser qu’il dit de faire attention à ces peuples en particulier alors que ce n’est pas le cas ; en prenant des cas particuliers, il s’adresse en fait à l’ensemble du peuple camerounais qui à l’échelle de chaque terroir, se caractérise par des actes ou des habitudes à déplorer.

Tout le monde ou presque a accueilli avec satisfaction cet album qui correspond typiquement aux réalités camerouno-camerounaises, rapportées dans un rythme folklorique bamiléké, par un bamiléké de parents Balengu et Bamena dans la région de l’Ouest du Cameroun.

Personne, sauf par mauvaise foi ou par manque de sincérité, ne dira que les thèmes abordés par le griot ne reflètent pas les réalités des sociétés camerounaises. Il s’agit en fait d’un travail bien fait, que même ceux qui ne connaissent pas le Cameroun ou les camerounais d’une manière plus particulière peuvent se référer parce qu’à travers un style humoristique, l’artiste aborde avec sincérité plusieurs thèmes riches en enseignements qui définissent vraiment ce que c’est qu’un artiste engagé. Le griot sait bien que ce qu’il dit va faire rire, mais ne le dit pas uniquement dans le but de faire rire, mais faire également passer des messages ou des enseignements qui sont en fait des messages portés à l’attention de chaque camerounais appelé à prioriser ce qui contribue à une véritable cohésion sociale car  l’Homme, quel que soit son origine ou sa culture, n’est pas uniquement une histoire, mais la somme d’un ensemble de choix qui ne le déconnectent pas de ses racines, mais le permettent de prendre une certaine hauteur par rapport à certains stéréotypes négatifs, afin que ses agissements ne soient pas conditionnés par eux. En d’autres termes, si comme le disent plusieurs camerounais sur la base de faits palpables, et comme l’a si bien souligné le griot dans « défaut » où il confesse appartenir lui-même à un peuple d’ignorants, et dans lequel il dit par la suite que « l’Homme bamoun est un serpent à deux tête », cela ne veut pas dire que cette composante des armoiries du peuple bamoun a un lien avec les attitudes hypocrites adoptées par certains bamouns.

Si certains bamouns manifestent une certaine hypocrisie dans leurs actes, les intentions ayant motivées le choix du serpent bicéphale comme une des composantes des armoiries bamoun n’étaient pas imprégnées d’hypocrisies. Image: bamounculture.com

Même si des faits historiques font état d’un acte de trahison imprégné d’une attitude hypocrite ayant permis la victoire des guerriers bamoun sur leurs adversaires, la symbolique du serpent bicéphale n’est pas celle d’un peuple dont les natifs sont par nature des hypocrites.

L’histoire nous rapporte qu’à l’époque du 11ème roi de la dynastie à savoir le roi MBUEMBUE (1757-1814) ou encore bouombouo pour ceux qui éprouve des difficultés dans la prononciation, il y eut une guerre de conquête entre les guerriers bamoun et les POUS, qui habitaient un territoire situé entre le centre commercial de Malentuen (chef lieu d'arrondissement situé dans le département du Noun qui a pour chef-lieu Foumban, capital du peuple bamoun situé dans la région de l'Ouest-Cameroun) et la rive droite du fleuve Mbam jusqu’à Ripa dans la région qui ferait face à la ville de Ngambé Tikar. Il se dit selon des sources concordantes que la stratégie de défense des valeureux guerriers POUS reposait sur un grand monstre appelé Sânumpût (Sanoumpout) qui en fait n’était qu’un monstre de fabrication artisanale qui faisait peur aux valeureux guerriers bamoun. Mais ces affrontements répétitifs qui se soldaient toujours sans victoire d’un côté comme de l’autre, connu une étape ultime quand un jour, un serviteur du roi MAPOU des POUS, touché dans son orgueil après avoir été sévèrement réprimandé par son roi, fit le choix de dévoiler au roi MBUEMBUE, la stratégie de défense de ses adversaires. Grâce à cette information stratégique clée, l’ultime offensive se solda par une victoire. Mais puisque les bamouns avaient plusieurs ennemis, le roi MBUEMBUE fut mis au fait d’une autre attaque sur la frontière Ouest au bord du fleuve Noun. Il s’y rendit avec ses guerriers et la confrontation se solda par une autre victoire. C’est à l’issu de ces affrontements sanglants, que le traitre et hypocrite fut nommé grand notable au palais Bamoun, et que le roi Mbuembue eu l’idée d'immortaliser sa double victoire par un serpent à deux tête. Nous étions entre le XVIIIème et le XIXème siècle.

Si certains bamoun manifestent une certaine hypocrisie dans leurs actes, les intentions ayant motivées le choix du serpent bicéphale comme une des composantes des armoiries bamoun n’étaient pas imprégnées d’hypocrisies. L’intention était de mettre en avant la bravoure d’un peuple de guerriers qui a réussi à être vainqueur sur deux fronts de manières simultanée. Si certains bamoun ont pour leur part fait le choix d’une duplicité dont il faut se méfier, leurs choix les engagent. Et si l’on considère que l’Homme bamoun n’a pas le monopole de l’hypocrisie et de la traitrise, c’est à chacun de méditer sur sa conduite parce que, ce qui fait la particularité de certains habitants d’un terroir, peut également être une réalité ailleurs, si ce n’est pas encore le cas.  

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Illustration de la succession des souverains du peuple bamoun qui depuis Octobre 2021, en est à son 20ème souverain. Image : traveladventures.org

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